En cette période de turbulence pour la politique canadienne, un nom ne cesse de faire les manchettes à travers le pays : Naheed Nenshi.
Après seulement quelques années loin des projecteurs, le 11 mars, l’ancien maire de Calgary a créé une onde de choc en annonçant qu’il se porterait candidat pour succéder à Rachel Notley à la tête du NPD albertain.
Il brigue le poste de chef de l’opposition officielle la plus importante de l’histoire de l’Alberta. Mais ses ambitions ne s’arrêtent pas là : il vise le poste de premier ministre pour mettre fin à la quasi-dynastie conservatrice de la province.
En tant que nouveau venu au sein du NPD albertain, il n’est pas seul dans la course : quatre des candidats sont d’actuels députés, soit Jodi Calahoo Stonehouse, Sarah Hoffman, Kathleen Ganley et Rakhi Pancholi. Le président de la Fédération du travail de l’Alberta et membre de longue date du NPD, Gil McGowan, est également en lice. Le parti a annoncé sa liste finale de candidats le 15 mars.
Après avoir appuyé le NPD albertain pour la première fois lors des élections provinciales de 2023, Nenshi a mis de côté sa neutralité et s’est lancé dans la course en professant vouloir apporter un changement significatif dans la province.
Il existe de nombreux problèmes que Nenshi souhaite régler en Alberta, outre le gouvernement en place. Selon lui, il reste un long chemin à parcourir en matière de multiculturalisme au Canada.
« Nous avons réussi grâce aux services publics pour les enfants : une excellente éducation publique, des universités, la possibilité de vraiment vivre une belle vie ici », a déclaré Nenshi dans une entrevue exclusive avec New Canadian Media, « et c’est mon histoire, n’est-ce pas ? »
La plupart des gens connaissent l’histoire de Nenshi : né de parents indiens de Tanzanie, il a obtenu sa maîtrise à Harvard, a été le premier maire musulman d’une ville canadienne et a occupé ce poste de 2010 à 2021.
« Jusqu’à maintenant, j’étais un peu hésitant à élaborer sur mon parcours parce que je ne voulais pas que cela paraisse exceptionnel », a déclaré Nenshi. « Ce que j’ai toujours dit à propos de moi et ma famille, c’est que notre histoire est extraordinaire dans ses détails, mais ce qui la rend extraordinaire, c’est à quel point elle est ordinaire. »
Naheed Nenshi déclare fièrement qu’il est aussi vieux que le multiculturalisme canadien : il est né moins de cinq mois avant la déclaration de 1971 du premier ministre Pierre Elliott Trudeau selon laquelle le Canada était un pays multiculturel. Il a ainsi pu assister à la croissance du multiculturalisme canadien de première main, en particulier à travers le prisme de sa propre histoire de réussite de deuxième génération canadienne, ayant été classé deuxième personne la plus influente au Canada en 2013 et ayant reçu le Prix mondial du maire en 2014, entre autres distinctions.
Maintenant, il affirme que le sujet va au-delà du simple multiculturalisme, soutenant que le Canada doit trouver une voie à suivre et parvenir à l’antiracisme pour que le multiculturalisme connaisse un véritable succès.
Après le meurtre de George Floyd en 2020, le maire Nenshi et son équipe avaient invité les Calgariens qui souhaitaient parler de leurs expériences avec le racisme à une réunion publique du conseil. Lors de cette réunion, il dit qu’il n’a pas du tout été surpris par les histoires de préjugés et de persécution qu’il a entendues, mais ce qui l’a surpris, c’est le fait que le racisme ait été si présent au Canada depuis si longtemps.
« Comment se fait-il qu’un jeune homme noir racontant son expérience de la façon dont il est harcelé lorsqu’il veut sortir avec ses amis un samedi soir soit exactement les mêmes histoires que mes amis et moi nous racontions quand j’étais jeune ? »
Monsieur Nenshi affirme qu’il est nécessaire de prendre des mesures concrètes pour préserver le multiculturalisme et parvenir à un véritbale antiracisme au Canada.
« Même si nous sommes si fiers de ce pays multiculturel que nous avons construit, et j’en suis fier… j’ai pensé en même temps, comment n’avons-nous pas progressé dans ces domaines au cours des 30 dernières années ? Pour moi, c’était très difficile parce que je me disais dans ma tête, ‘comment puis-je être à la fois très fier de ce que nous avons construit tout en comprenant que nous avons beaucoup de travail à faire pour devenir véritablement antiracistes ?' »
L’une des raisons pour lesquelles il a décidé de se présenter à la direction du NPD albertain a beaucoup à voir avec des choses comme la loi anti-trans du gouvernement en place. Il affirme cependant que le gouvernement n’est pas la seule source de ces points de vue problématiques.
« Vous savez, ça me dérange vraiment en tant que musulman quand je vois mes coreligionnaires musulmans s’exprimer contre les droits d’autres personnes », déclare l’ancien maire, ajoutant que « si les musulmans sont perçus comme étant intolérants envers les autres, alors quelle incitation y a-t-il pour les autres à être tolérants envers les musulmans ? »
Selon lui, de tels points de vue ne font que contribuer aux perceptions négatives des immigrants et du multiculturalisme, et en fin de compte, vont à l’encontre du résultat souhaité de mettre fin au racisme.
En tant que chef du NPD albertain, qui prône l’équité, la diversité et l’inclusion, l’objectif serait de représenter tous les Albertains, y compris la lutte contre les inégalités et les préjugés, qu’il s’agisse de racisme ou d’autres formes de préjugés.
« Ce sont des conversations difficiles », déclare le candidat, « et parfois, seules les personnes issues de la diversité peuvent initier ces conversations avec d’autres personnes du même groupe.
« Mais ce sont des conversations qui doivent avoir lieu parce que nous devons mieux faire. Sinon, nous allons constater que le multiculturalisme dont nous sommes si fiers et au sujet duquel nous sommes si satisfaits s’effondrera autour de nous. »
Texte initialement publié en anglais. Traduction de Pierre Michaud.