Une nouvelle enquête laisse entendre que les immigrants seraient moins susceptibles de subir du harcèlement sexuel ou autre en milieu de travail, mais les experts croient plutôt que la crainte de représailles empêche les nouveaux arrivants de dénoncer ces incidents.

L’enquête de Statistique Canada intitulée « Enquête sur l’inconduite sexuelle au travail » montre qu’une immigrante sur trois (35 %) et un immigrant sur cinq (20 %) déclarent avoir été victimes de harcèlement ou d’agression sexuelle au travail.

Ces chiffres contrastent avec ceux des femmes et des hommes nés au Canada, qui s’élèvent respectivement à 52 % et 36 %.

« Comprendre cette différence est crucial, car cela pourrait révéler des variations significatives dans les pourcentages de déclaration entre ces groupes », selon Rowan Fisher, avocat spécialisé en immigration chez Osuji & Smith Avocats, basé à Calgary.

« Le sous-signalement [des incidents] est très difficile à évaluer statistiquement, mais il est plus facile à comprendre dans un contexte culturel et d’immigration », déclare-t-elle.

Les immigrants incluent les travailleurs étrangers temporaires, les résidents permanents ou les citoyens. Selon Me Fisher, l’impact de la déclaration de tels incidents est beaucoup plus élevé pour les travailleurs étrangers temporaires.

« Ils ne signalent pas [les incidents] par crainte que cela n’ait un impact sur leur situation d’emploi et qu’ils soient alors en violation des conditions de leur permis de travail, ce qui les rendrait inadmissibles à rester au Canada », ajoute-t-elle.

Les travailleurs étrangers temporaires craignent également de perdre leur emploi et de compromettre leur accès à la résidence permanente. « De nombreux travailleurs étrangers temporaires cherchent à accumuler une année d’expérience de travail pour se qualifier pour la résidence permanente », selon elle. « Cependant, s’ils perdent leur emploi et ne peuvent en trouver un autre, cela compromet leur progression dans la demande de résidence permanente, ce qui peut leur faire perdre les mois qu’ils ont déjà travaillés pour l’obtenir ».

Akshaya Shashidhar gère un réseau informel qui aide les immigrants à obtenir des références. Elle pense que les femmes immigrantes font face à de nombreux défis, ce qui entraîne une sous-déclaration généralisée. (Photo fournie)

L’enquête révèle que parmi les immigrants, les Latino-Américains signalent le plus grand nombre d’incidents de harcèlement, soit 39,8 %, suivis des Sud-Asiatiques à 26,6 % et des Chinois à 26,4 %.

Chez les femmes racisées, 35 % disent avoir été victimes de harcèlement ou d’une agression sexuelle au travail, et 20 % des hommes racisés rapportent des cas de harcèlement.

Chez les travailleurs non racisés, 51 % des femmes et 35 % des hommes mentionnent avoir subi du harcèlement ou une agression sexuelle.

Akshaya Shashidhar, gestionnaire de produit pour une entreprise de télécommunications à Mississauga en Ontario, gère un réseau informel qui aide les immigrants à obtenir des références pour l’immobilier, les emplois, les sports et les activités de plein air. Elle pense que les femmes immigrantes font face à de nombreux défis, notamment les barrières linguistiques, la méconnaissance de leurs droits et la crainte permanente de représailles ou d’expulsion. Ces défis entravent considérablement leur capacité à signaler des incidents ou à chercher de l’aide, ce qui entraîne une sous-déclaration généralisée.

« De nombreuses femmes luttent contre la peur du stigmate ou de la honte au sein de leur communauté si elles choisissent de dénoncer le harcèlement », selon elle.

« Cette crainte les oblige souvent à souffrir en silence, préférant éviter d’éventuelles répercussions négatives plutôt que de confronter le problème ouvertement », ajoute-t-elle.

Elle mentionne également que les femmes immigrantes manquent souvent de réseaux de soutien solides ou d’accès à des ressources qui pourraient les aider à surmonter de tels défis. Ce manque de soutien accentue davantage leur vulnérabilité et entrave leur capacité à s’attaquer efficacement aux cas de harcèlement.

Rizwana Majith, fondatrice de l’Association de la communauté tamoule du Canada. (Photo fournie)

Rizwana Majith, fondatrice de l’Association de la communauté tamoule du Canada, affirme que les femmes immigrantes bénéficient de programmes de sensibilisation et d’ateliers de carrière qui offrent des plateformes pour discuter ouvertement des défis auxquels elles font face et partager des stratégies pour les surmonter. Ces programmes préparent également les femmes à prendre des mesures proactives pour faire face aux cas de harcèlement ou d’agression si cela se produit.

 

Texte initialement publié en anglais. Traduction de Pierre Michaud.

Shilpashree Jagannathan est une journaliste d'origine indienne. Elle vit maintenant à Toronto et a travaillé comme journaliste économique pour des journaux de premier plan en Inde. Elle a suit l'actualité...