La «capacité d’accueil» du Québec en matière d’immigration a été au cœur des dernières élections provinciales au Québec, avec des débats sur son apport pour combattre la pénurie de main-d’œuvre et sur le risque qu’elle poserait pour l’identité québécoise francophone. Le gouvernement du Québec a récemment proposé une réforme du système d’immigration, notamment pour assurer une meilleure protection du français. Au-delà des discours et des impressions, quel est le portrait de l’immigration au Québec?

Un peu plus de 1,2 million de Québécois et Québécoises est né à l’étranger, selon le dernier recensement en 2021. De ce groupe, 202 740 (16,7 %) sont arrivés dans les cinq années précédentes. Au total, les immigrants forment 14,6 % des 8,5 millions de personnes habitant dans la province, sans compter les résidents non permanents. La très grande majorité (84,5 %) de cette immigration est concentrée dans la région de Montréal.

À titre comparatif, les immigrants totalisent 23% de la population canadienne, estime Statistique Canada. Cette proportion est encore plus élevée en Ontario (30 %), en Colombie-Britannique (29 %) et en Alberta (23,2 %). Le Québec est la cinquième province avec le plus grand pourcentage d’immigrant selon la population totale, également derrière le Manitoba (19,7 %). À l’international, le Québec a une proportion d’immigrants comparables aux États-Unis (13,6%), à l’Espagne (14 %), à l’Estonie (14,9 %) et à la Norvège (15,6%), selon des données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Des pays comme l’Australie (29,7 %), la Suisse (29,7 %) et la Nouvelle-Zélande (27,3%) en accueillent beaucoup plus proportionnellement.

Une grande part de l’immigration au Québec est issue de pays francophones. Les plus grandes communautés immigrantes de la province proviennent de la France (7,7%), d’Haïti (7,1 %), d’Algérie (6 %), du Maroc (5,7 %) et de Chine (4,3 %), toujours selon le recensement de 2021. Entre 2016 et 2021, une part significative de l’immigration provenait également de la Syrie (6,6 %) et du Cameroun (4,4 %).

Un peu plus de la moitié des immigrants s’identifient comme chrétiens (50,6%), tandis que 20,9% se disent musulmans. Pour leur part, 20,9% des immigrants se considèrent sans religion.

Par ailleurs, 10,6% des Québécois et des Québécoises sont des immigrants de deuxième génération, ayant au moins un parent né à l’étranger.

Nombre et pourcentage de la population immigrante au Québec. Gracieuseté de Statistique Canada.

Un système d’immigration en transformation

Des consultations publiques se sont tenues en septembre à l’Assemblée nationale sur la réforme des programmes d’immigrations proposée par Québec. Comment cette réforme, si adoptée, viendra-t-elle changer le portrait de l’immigration au Québec?

Le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) souhaite faire de l’immigration permanente un «levier» économique pour pourvoir des postes vacants et pour protéger le français. «J’aime prendre l’exemple d’un ”Y”. Une des branches représente l’économie et la main-d’œuvre dont nous avons besoin tandis que l’autre est constituée de la langue française et de la francisation. Ces deux branches doivent converger», a précisé la ministre de l’Immigration du Québec, Christine Fréchette, dans un document détaillant la réforme annoncée en mai dernier. D’ici 2026, le gouvernement souhaite que 96% des immigrants économiques parlent français.

Au menu, Québec hausserait le seuil d’immigration à 60 000 nouveaux résidents permanents admis chaque année. Ce chiffre exclut la résidence permanente offerte aux étudiants étrangers diplômés au Québec par le biais du Programme de l’expérience québécoise, qui pourraient se compter en milliers. Il s’agit donc d’un changement de ton pour la CAQ, alors que le premier ministre, François Legault, déclarait en campagne électorale en septembre 2022 que d’accueillir plus de 50 000 immigrants annuellement au Québec serait «suicidaire».

Par ailleurs, la connaissance du français à un niveau «intermédiaire» devient une exigence obligatoire pour l’immigration économique, sauf exception. Auparavant, le français était un facteur important dans le système de pointage de sélection, mais ne menait pas nécessairement à l’exclusion d’une candidature. Des exigences réduites seront également mises en place pour certaines professions manuelles et pour les conjoints ou conjointes des demandeurs.

De plus, le gouvernement crée une voie rapide pour les étudiants étrangers francophones ou qui étudient en français. Un étudiant qui termine ses études au Québec pourra déposer sa demande de résidence permanente dès l’obtention de son diplôme, et n’aura pas à attendre les 12 ou 18 mois d’expérience de travail présentement exigés.

Le français avant tout

«Ces changements auront des conséquences marquées sur l’origine des immigrants que le Québec va accueillir, en donnant des avantages encore plus importants aux bassins de la francophonie, tels que la France, la Belgique, le Maroc, la Tunisie, le Sénégal ou le Bénin», conclut les professeures en science politique Catherine Xhardez et Mireille Paquet, dans une analyse de la réforme publiée dans la revue Options politiques.

Les nouvelles exigences quant à la connaissance du français auront aussi des conséquences pour les immigrants temporaires déjà au Québec et issus de pays non francophones puisque l’accès à la résidence permanente nécessite un apprentissage soutenu du français, poursuivent-elles.

La réforme marque «la consolidation de l’approche prônée par la CAQ en matière d’immigration permanente : d’abord assurer la protection du français, avant la croissance démographique ou économique liée à l’immigration, concluent-elles. D’ailleurs, si le Québec devait accueillir plus d’immigrants, ce sera uniquement en raison de la croissance du nombre d’immigrants économiques francophones.»