On s’est levés tôt le 6 mai dernier pour assister à la cérémonie de couronnement de Charles III et de Camilla. Les portes du Burgundy Lion, un pub prisé des Britanniques de Montréal, ont ouvert dès 5 heures du matin dans ce pub de la rue Notre-Dame situé dans le quartier de la Petite-Bourgogne. Vers 6 heures, la salle était pratiquement bondée.
« C’est un formidable spectacle plein de faste. La cérémonie remonte à il y a plus de mille ans », s’exclame Chloë Adams, la consule générale du Royaume-Uni à Montréal. 70 ans ont passés depuis le dernier couronnement en 1953. La cérémonie a donc été quelque peu modernisée par rapport à la dernière.
« Il y a beaucoup plus d’éléments diversifiés, différents visages, des personnes de couleur, des communautés Autochtones. Le roi a une passion pour des sujets tels que la jeunesse, la diversité, la durabilité et l’environnement », affirme la consule générale, qui a hâte de voir ce que son règne réserve.
L’avenir du Canada
Au Québec, les liens avec la couronne britannique ne font pas l’unanimité. 71% des Québécois interrogés pensent que le Canada devrait les reconsidérer, selon un sondage Léger de mars 2023. Questionnée sur ce sentiment antimonarchiste, Chloë Adams a préféré souligner les liens entre les deux pays : « La monarchie appartient tout autant au Canada qu’au Royaume-Uni. Je pense qu’il s’agit d’une réelle opportunité de célébrer ce moment palpitant de notre histoire commune ».
Au Burgundy Lion, L’Union Jack britannique et le drapeau à la feuille d’érable cohabitaient pour signifier la relation qu’entretiennent les deux pays. Charles III a visité le Canada 18 fois avant de devenir roi.
C’est dans un brouhaha qu’on écoutait la cérémonie, parfois entrecoupé de pauses silencieuses pour admirer la remise des insignes royaux. Un couple de Québécois partageait l’évènement avec les nombreux Britanniques présents.
Il s’agit de la première fois que le couple de Candiac se rend au Burgundy Lion. « C’est très chaleureux, on se sent un peu comme dans les pubs en Angleterre », explique Jean-Michel de Passillé, qui a lui-même habité à Londres et rêve d’y retourner. « On est très anglophiles », ajoute-t-il, souhaitant que les 56 États membres du Commonwealth, dont le Canada et le Royaume-Uni, se rapprochent davantage.
Arrivés juste avant six heures du matin, Erica Roy et son conjoint n’ont rien manqué du couronnement qui s’est déroulé à l’Abbaye de Westminster. « Voir tout le protocole qu’il y a derrière est très intéressant », partage Erica Roy. La délégation canadienne à Londres comprenait le premier ministre Justin Trudeau, la gouverneure générale Mary Simons, des représentants des Premières Nations, Inuits et Métis, ainsi que d’autres officiels et personnalités publiques.
Popularité
Un des défis de Charles III sera de conquérir le cœur des jeunes Britanniques. Seul un tiers des moins de 35 ans au Royaume-Uni disent voir le nouveau roi d’un œil favorable, selon un sondage Savanta pour CNN. Si la monarchie reste majoritairement populaire au Royaume-Uni, elle l’est de moins en moins auprès des jeunes. Parmi les 18-24 ans, 31% la soutiennent, d’après l’institut YouGov.
« Oh gosh ! », répond d’emblée Hannah Crolla-Parkhouse lorsqu’on lui demande son opinion du nouveau souverain. « Je trouve qu’il est un peu vieux, donc pour moi, en tant que jeune personne, je ne m’identifie pas à lui », explique-t-elle.
« Je n’ai pas de sentiment fort [envers la monarchie]. C’est une partie de notre patrimoine mais je pense qu’il y a quelque chose à faire pour être plus en phase avec notre époque », ajoute-t-elle.
Son amie Sonya, qui ne se dit ni pro, ni anti-monarchie, observe que beaucoup de jeunes de sa génération n’ont pas d’opinion claire pour le moment. La cérémonie leur a donné l’occasion de réfléchir davantage
« Charles III a hérité d’une fonction difficile », insiste-t-elle. « Beaucoup de personnes respectaient la reine et le fait qu’elle a servi et fait son devoir jusqu’à la fin. Avec le nouveau roi, elles ne savent pas où se positionner », ajoute-t-elle.
Moderniser la royauté
À cela s’ajoutent les couts financiers liés au roi. Le Royaume-Uni est la dernière monarchie d’Europe à conserver une cérémonie de couronnement. Et cette dernière aurait couté 100 millions de livres sterling (170 millions de dollars canadiens), selon le tabloïd anglais The Sun.
Dépoussiérer la monarchie britannique sera un autre défi pour Charles III. Cela aurait dû commencer avec le couronnement lui-même, selon les deux amies. Bien qu’Hannah Crolla-Parkhouse apprécie passer ce moment convivial avec ses proches, elle trouve l’événement hors d’âge. Sonya est du même avis. « Je m’attendais à ce que la cérémonie ait évolué et soit un peu moins traditionnelle […] c’est très religieux, et cela confirme qu’il est bien à la tête de l’Église [anglicane] », observe-t-elle.
Le roi porte plusieurs titres, notamment celui défenseur de la foi. Or, des représentants juifs, musulmans, hindous, sikhs et bouddhistes ont activement participé à la cérémonie. Une première dans l’histoire de l’institution.
« On ne peut pas tout changer, résume Sonya, mais avec mes amis on se demandait si le prince William était actuellement en train de se demander « que ferais-je différemment pour mon couronnement ? » »
Au Québec, il n’y avait aucun événement public d’ampleur pour célébrer le couronnement du nouveau souverain, à l’inverse des autres provinces canadiennes. Du côté d’Ottawa, le premier ministre Justin Trudeau a affirmé ne pas vouloir ouvrir le débat sur le futur de la monarchie au Canada, lors d’une entrevue à New York au Council on Foreign Relations le 28 avril dernier.