Une enquête menée auprès de 1 300 étudiants étrangers en Colombie-Britannique a révélé que près de 75 % d'entre eux considèrent le paiement des frais de scolarité comme le plus grand défi à relever pour étudier au Canada. Photo par Canva.
Une enquête menée auprès de 1 300 étudiants étrangers en Colombie-Britannique révèle que près de 75 % d'entre eux considèrent les frais de scolarité comme le plus important défi à relever pour étudier au Canada. Photo par Canva.

En une seule année, il s’agit de plus de 9,6 milliards de dollars qu’encaissent les établissements postsecondaires auprès des étudiants étrangers au Canada. 

S’ils représentaient 17 % de la communauté étudiante au Canada, les étudiants et étudiantes internationaux ont couvert environ 43,5  % des frais de scolarité facturés en 2020. C’est ce que révèle le plus récente enquête de l’organisme fédéral Frais de scolarité et de subsistance (FSS). L’étude indique que le nombre d’étudiants étrangers dans les établissements d’enseignement supérieur s’élevait à 373 599 en 2020-2021.

L’ensemble des montants déboursés en frais de scolarité par cette communauté étudiante et leur échelonnement par niveaux d’études restent absents de l’enquête FSS. Statistique Canada dresse cependant un répertoire des frais de scolarité en fonction des études de premier et de deuxième cycle.

Calculés en fonction de leurs coûts moyens pour cette année-là, les frais de scolarité payés par l’ensemble de la population étudiante représentent 22 milliards de dollars.

 « Les frais de scolarité des étudiants étrangers ne sont pas subventionnés ici. »  

Les universités et les collèges postsecondaires augmentent chaque année les frais de scolarité des étudiants étrangers, alors qu’ils restent stables pour le reste de la communauté étudiante – sans égard à l’aide financière gouvernementale octroyée au plan institutionnel, susceptible de représenter jusqu’à 80  % de ces frais dans certaines provinces. 

« Parmi les principales critiques formulées par les étudiants internationaux, on trouve l’augmentation sans limites des frais de scolarité et le soutien financier moindre que celui offert aux étudiants canadiens », indique le représentant des étudiants internationaux à la Fédération canadienne des étudiants, Damanpreet Singh.

À titre d’exemple, l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) annonce pour l’année 2023-2024 une hausse de 5  % des droits de scolarité des nouveaux étudiants issus de l’extérieur du pays et de 3  % pour ceux et celles qui poursuivent leurs études. Par rapport à l’année dernière, l’Université s’attend ainsi à percevoir  54 millions de dollars de plus en frais de scolarité.

En ce qui a trait aux étudiants du Canada, l’institution prévoit une baisse d’un million de dollars en frais de scolarité.

L’Université McGill est l’un des seuls établissements ayant mis en place un modèle qui balise les droits de scolarité pour les nouveaux étudiants internationaux. Elle impose des frais fixes pour chaque semestre dans le but « d’éliminer l’incertitude autour des frais de scolarité », indique son dernier budget. Néanmoins, les frais de scolarité restent la deuxième source de revenus de l’institution située à Montréal.

Dans un échange de courriels avec New Canadian Media, un porte-parole du Collège communautaire de Nouvelle-Écosse (CCNÉ) mentionne que les subventions fédérales et provinciales à l’intention des établissements d’enseignement postsecondaire visent essentiellement à soutenir les étudiants et les étudiantes du Canada.

« Les frais de scolarité des étudiants internationaux ne sont pas subventionnés ici, dit le porte-parole du CCNÉ.  Les étudiants issus de l’étranger ne sont pas touchés par l’impôt fédéral et provincial, qui contribue à subventionner les frais de scolarité. »

En mars, l’Ontario a prolongé d’un an le gel des frais de scolarité des résidents et résidentes de la province. Selon l’Université de Toronto, ce gel implique pour l’établissement un coût de 195 millions de dollars depuis 2019.

L’institution prévoit gagner près de 3 millions de dollars en 2023-2024, notamment grâce aux frais de scolarité et ceux des étudiants internationaux augmenteront de 2,1  %.

Quant au CCNÉ, son porte-parole indique qu’elle n’a pas connu d’augmentation de frais de scolarité au cours des deux dernières années et ceux-ci représentent environ 15  % de ses revenus. À l’Université de Toronto, les frais de scolarité représentent 88  % des revenus. Une augmentation de 20  % par rapport à l’année dernière, malgré le maintien du gel gouvernemental.

L’Université n’a pas répondu aux questions de NCM concernant la pression potentielle du financement provincial sur le montant des droits de scolarité.

Le budget du Collège George Brown de Toronto révèle que l’institution a perçu obtenu plus d’argent en frais de scolarité des étudiants internationaux (164 845 $) qu’en aides et en subventions gouvernementales (141 946 $) en 2023-2024.

L’Ontario reste la province la plus dispendieuse du Canada pour faire des études postsecondaires. Les étudiants internationaux pouvaient y payer plus de 40 000 dollars par an au premier cycle en 2022-2023. À l’exception de la Colombie-Britannique, les frais de scolarité des étudiants étrangers demeurent en-dessous de 30 000 dollars, selon Statistique Canada.

La pression de réussir plus forte pour les étudiants étrangers 

Diplômé en mai dernier de l’Université du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, Samarjeet Singh donne un conseil aux personnes qui, comme lui, viennent à titre d’étudiants internationaux au Canada : « Ne vous préoccupez pas depour la résidence permanente. »

« Les étudiants qui prévoient venir étudier au Canada doivent garder à l’esprit leur sa carrière plutôt que de se concentrer sur la résidence », a déclaré Samarjeet, qui poursuit actuellement une formation d’inspecteur en santé publique au Manitoba. La quête du statut de résident permanent prive parfois les étudiants étrangers de meilleures opportunités d’emploi. »

« Si j’ai un bon emploi et je peux renouveler mon permis de travail, c’est bon pour moi. »

Une nouvelle étude menée auprès de 1 300 étudiants étrangers en Colombie-Britannique révèle qu’ils occupent souvent des emplois extérieurs à leurs domaines d’études et que les établissements postsecondaires mettent davantage l’accent sur le recrutement d’étudiants que sur leur réussite professionnelle.

En plus de payer des frais de scolarité de cinq fois supérieurs à ceux des étudiants canadiens, les étudiants étrangers sont soumis à une pression accrue pour exceller dans leur collège et université. 

« Si quelqu’un échoue dans trois matières, il peut être renvoyé par l’établissement », relève Jaspreet Singh, étudiant étranger au Collège Conestoga, en Ontario, et vice-président de l’Association des Étudiants Sikhs.

Jaspreet a conscience que de nombreux étudiants étrangers ne mangent pas à leur faim et ne dorment pas suffisamment, compte tenu du temps qu’ils consacrent à leurs études et au travail. Il souhaite que les institutions d’enseignement considèrent comme des priorités le bien-être psychologique et la réussite professionnelle des étudiants internationaux.

Sans pour autant nier la valeur de son éducation, il reconnaît qu’il n’est pas facile d’étudier au Canada.

« Nous voyons l’avenir avec optimisme, dit Jaspreet. C’est ce qui nous donne de la force. »

Cet article a été initialement publié en anglais. Il a été traduit par Alexis Lapointe. 

Alexis Lapointe est rédacteur professionnel et journaliste indépendant. Après l’obtention en 2021 d’un Baccalauréat ès arts de l’Université de Montréal, il travaille actuellement à une série...